Collection complète d’une des premières prépublications du Comte de Monte-Cristo contemporaine de l’édition originale : 51 fascicules de 4 feuillets imprimés sur deux colonnes (8 pages paginées) publiés en feuilleton dans le journal Le Siècle du 28 septembre 1845 au 15 janvier 1846.
Joints au journal le dimanche (parfois le lundi), les 19 premiers fascicules portent en tête de la première page la mention avec date évolutive : Supplém. au journal LE SIECLE du (28 septembre 1845 [jusqu’au] 1er février 1846) – mais à partir du 8 février 1846 et jusqu’au 13 septembre 1846 les entêtes des 32 derniers fascicules disparaissent … le feuilleton continu pourtant d’être distribué hebdomadairement en supplément et l'on peut toujours suivre sa progression avec les signatures d’imprimerie figurant au bas de la première page de chaque fascicule.
Rappelons que Le Comte de Monte-Cristo a d’abord été publié dans Le Journal des Débats : du 28 août au 19 octobre 1844 puis du 31 octobre au 26 novembre 1844 pour les deux premières parties, puis du 20 juin 1845 au 15 janvier 1846 pour la troisième et dernière partie.
Le succès de Monte-Cristo est tel que, sans attendre la fin de la publication du Journal des Débats, dès le 28 septembre 1845 Le Siècle entreprend sa propre publication du roman. On ne s’en étonnera plus si l’on ajoute que ce même journal vient de publier, entre le 14 mars et le 14 juillet 1844, Les Trois Mousquetaires – cela explique au moins la mention Œuvres complètes d’Alexandre Dumas imprimé en chapeau des pages (au regard du titre orthographié Monte-Christo...). En homme d’affaire avisé, Dumas avait dû placer sa copie aux Débats entre les deux publications de son concurrent qui avait dû signer pour l'exhaustivité ...
De la fin de l’année 1844 au début de l’année 1846, Dumas fait paraître les 18 volumes de l’édition originale, en plusieurs salves, d’abord chez Baudry puis chez Pétion alors que Le Journal des Débats vient juste de franchir la ligne d’arrivée, talonné par Le Siècle, toujours en course mais à la peine …
Notre exemplaire, agréablement établi à l’époque, est bien complet de la page de titre générale offerte aux abonnés du Siècle ainsi que sa table des chapitres portant la signature de l’imprimerie du journal, rue du Croissant. Il est enrichi des illustrations de Gavarni et Johannot – soit 29 planches gravées et le portrait d’Alexandre Dumas tirés sur vélin fort (non masicotés !) – initialement prévues pour la première édition illustrée éditée peu après par le Bureau de l’Écho des feuilletons (60 livraisons imprimées du 1er août 1846 au 9 janvier 1847) – il ne faudrait pas les confondre … et, comme première édition illustrée, Le Siècle repasse en tête !
Ajoutons que la dernière livraison du Siècle contient sous le titre « François Picaud – histoire contemporaine » un supplément aux suppléments qu’on ne retrouvera plus ailleurs : l’histoire véridique de l’homme qui inspira le personnage d’Edmond Dantès à Dumas. Loin d’être un bel officier de marine, François Picaud est un jeune cordonnier parisien qui s’apprête à faire un beau mariage et ne se prive pas de le faire savoir. Agacés par ses vantardises et jaloux de sa bonne fortune, trois de ses amis décident de lui jouer un tour en contrariant ses noces. L’un d’eux, un cafetier nommé Loupian, a l’idée d’accuser Picaud d’être un agent à la solde de l’Angleterre ce qui lui vaut d’être aussitôt emprisonné. Lorsque ce dernier sort du bagne sept ans plus tard, il est devenu immensément riche : un prélat italien qui décéda dans un cachot voisin, lui a légué toute sa fortune... Ayant eu le temps de mûrir sa vengeance, Picaud entreprend alors de châtier ses anciens amis. Après avoir obtenu auprès d’un comparse le nom de ses dénonciateurs, Picaud en fait assassiner deux puis en retient un, Loupian, lui réservant un sort plus effroyable – c’est qu’entre temps, Loupian a fait fortune dans la limonade. Après avoir mis le feu chez le cafetier, provoquant ainsi sa ruine, l’ancien cordonnier déshonore sa fille en la faisant épouser un galérien qu’il présente comme un riche marquis, puis corrompt son fils qui finit aux assises… Picaud donne enfin le coup de grâce à Loupian en lui révélant sa véritable identité. Survient alors un ultime coup de théâtre, aussi invraisemblable que le reste de l’histoire, mais que l’auteur de Monte-Cristo a dédaigné : François Picaud est rattrapé, capturé, torturé, puis tué par le comparse qui avait dénoncé ses camarades … Mais bon, n’est pas Dumas qui veut.
Vicaire, Carteret et Clouzot ne font aucun cas de cette publication (mais les lecteurs du Siècle ont-ils été nombreux à relier leurs suppléments ?).
Bel exemplaire.