Librairie Pierre Saunier

Le Drame de L’AlléeLe Drame de L’Allée Le Drame de L’AlléeLe Drame de L’Allée Le Drame de L’AlléeLe Drame de L’Allée Le Drame de L’AlléeLe Drame de L’Allée

Levey (Heny J.-M.).
Le Drame de L’Allée. Études. 1896.

S.l. (Paris), S. é. (Charles Renaudie imprimeur), 1897 ; plaquette in-16 à l’italienne, brochée. Chemise étui. 14 pp., 1 f. d'achevé d'imprimer (25 septembre 1897).

7 000 €

Édition originale - presque introuvable

Grâce à l’attachement que Larbaud lui voue tout au long de sa vie littéraire, l’œuvre de Levey – quelques dizaines de pages d’une encre puisée du côté des Laforgue et Rimbaud (l’un et l’autre d’ailleurs épigraphés) – n’a pas été oubliée. En 1933, à la question : quels sont les trois livres que, personnellement, vous placez au dessus de tous les autres et qui ont exercé une influence décisive sur votre formation littéraire ? Valery Larbaud répondait : Henry J.-M. Levey, dont le nom sonne encore si peu en dépit de l’édition posthume de ses Poésies que j’ai faite en collaboration avec L.-P. Fargue, mais de qui les Cartes postales, lues à dix-neuf ans dans une petite revue, m’ont grandement encouragé à persévérer dans les recherches d’expression qui m’occupaient alors (cf. Cahiers Larbaud, n°12).

Personnage extravagant et charismatique, un brin surfait en bon professionnel ès bohème, Levey a davantage marqué son époque par sa personnalité et ses frasques que par son œuvre – lui-même ne semble pas en avoir fait grand cas, ne se souciant de publier que deux plaquettes à tirage restreint ou à format réduit, comme ce Drame de l’Allée qui se perd dans la main. Le Drame, Le Pavillon, 5 & 6 poèmes, voilà tous les écrits de Levey publiés, auxquels s’ajoutent 3 Sonnets Torrides laissés dans La Vogue et 5 poèmes Cartes Postales envoyés des lointains à La Grande France, en 1902. Pourtant, jamais poète ne fit œuvre aussi courte aussi parfaite.

Avec un t pour l’état civil, Henry Jean-Marie Levet naquit en 1874, à Montbrison, dans la circonscription de son père, polytechnicien abonné à la députation de la Loire de 1879 à 1906. Il fit ses études à Paris, en compagnie de Paul Leclercq et Jean de Tinan à l’école Monge et au lycée Condorcet, et débuta en littérature en 1894, grâce à l’entremise de Xanrof, au Courrier français puis à La Plume où il livra quelques chroniques. En compagnie de ses intimes, Léon-Paul Fargue en tête, et le trio de rouquins, Francis Jourdain, Louis Rouart et Maurice Cremnitz, Levey fréquenta tout ce qu’il y avait à fréquenter entre Clichy et Barbès, des ateliers d’artistes – Léandre, Lautrec, de Thomas, Bottini, Launay, Delcourt –, aux tavernes à la mode – Rat mort, Vache enragée et Nouvelle Athènes notamment, où se retrouvait la claque des zélateurs du Théâtre de l’Œuvre avant que Lugné-Poe ne trahisse l’intelligentsia symboliste. Ajoutons au périmètre quelques bastringues sordides et ambigus, les deux trois loges de pipelettes témoins des frasques de notre locataire, et on aura le vague décor que notre poète cultique arpentait à toutes les heures dans ses accoutrements légendaires, professant tour à tour le vice et l’exotisme, s’affichant tantôt avec l’emblématique actrice Fanny Zaessinger (véritable égérie du Symbolisme, la voix de la reine Rosemonde et du capitaine Bordure dans la représentation d’Ubu au Théâtre des Pantins) tantôt avec Bougrelas, le joli môme que Jarry devait imposer à Lugné-Poe pour sa première représentation d’Ubu Roi.

La diplomatie devait retirer Levey aux lettres et l’Extrême-Orient au boulevard de Clichy (Willy). Une première mission (décembre 1897-juin 1898), obtenue par son père, l’entraîna en Indochine où il fut chargé d’étudier les origines hindoues de l’art khmer. Il savait à peine ce que cela pouvait bien signifier et donna 400 francs à André Ibels pour bâcler, à la Bibliothèque Nationale, le rapport d’usage. Levey se fichait, comme un Hippocampe d’une brosse à dents, de l’art khmer et de ses origines. Les fakirs, les éléphants sacrés, les bains dans le Gange, les mystères de l’Inde millénaire le laissaient froid. Ce qu’il voulait voir aux Indes, ce n’était pas la féerie du passé, c’était le mécanisme du présent, l’Européen promenant dans cette féerie, son smoking et son spleen, l’Anglais soucieux de son confort et de ses bank-notes, un Philéas Fog sans aventures ni naufrages, devenu marchand de laine, indifférent à toute magie, profanateur inconscient, et inconscient créateur d’une poésie moderne dont le poète moderne pouvait seul souligner – avec un sourire en coin, bien sûr, – la terrible grandeur (Francis Jourdain, Né en 1876).

Malgré l’indigeste copie, l’administration l’incorpora dans ses rangs. Levey obtint un poste de vice-consul aux Philippines puis aux Iles Canaries où il contracta une maladie pulmonaire qui l’emporta à Menton, le 6 décembre 1906.

On n’insistera pas sur la rareté du Drame de l’Allée, du jamais vu semble-t-il, au point que certains, aujourd’hui encore, pensent que ce Drame est une invention de Larbaud - la preuve que non. Ajoutons qu’il s’agit de l’exemplaire que nous avions catalogué dans Les Fatidiques (n°560), au tournant du Siècle dernier, puis dans Mont de Piété (n°39) - il réapparut lors de la troisième vente Pierre Bergé de juin 2017 (n°737) augmenté d'une carte de visite ...